• L’histoire de la marque Havana Club : aux origines d’un succès détonant !

    (CF : Rumporter )

     

     

    L’histoire de la marque Havana Club : aux origines d’un succès détonant !

     

     

    Havana Club est devenue en moins d’un quart de siècle l’une des trois plus importantes marques de rhum au monde, derrière Bacardi et Captain Morgan, malgré l’embargo américain qui la prive du plus grand marché du rhum. Mais qui à l’étranger connaissait l’existence de cette marque avant que Pernod Ricard ne s’associe au producteur Cuba Ron en décembre 1993 ?

    Havana Club

    Au sortir de la Prohibition

    La marque Havana Club est, en réalité, apparue le 19 mars 1934, « après de minutieux préparatifs et études de marché, inaugurant une nouvelle industrie » au sein du groupe sucrier Arachebala : la Fabrica de Licores. « Le lieu a été solennellement bénie par l’Eglise Cubaine et est alors apparu dans toute la République [cubaine] un nouveau produit, de qualité suprême : le Ron Havana Club – Arechabala. » C’est ce qu’on peut lire dans un livre devenu rare édité en 1954 pour fêter les 75 ans de la société JASA.

    Le groupe José Arechabala SA (JASA), créé en 1878 à Cárdenas, est une usine sucrière intégrant dès ses débuts une distillerie baptisée La Vizcaya en référence à la région natale de son fondateur.  Revendiquée comme la plus ancienne et la plus grande de Cuba avant la révolution cubaine, on y produisait alors à la fois du ron dans une colonne triple (distillation, rectification et déshydratation) et de l’aguardiente dans une colonne simple, ainsi que de l’éthanol pur utilisé comme combustible depuis mars 1932 pour assurer l’indépendance énergétique du pays (l’alcool de mélasse revêtit une importance stratégique pendant le Seconde Guerre mondiale). Les bâtiments, rebaptisée Ronera Cárdenas, appartiennent aujourd’hui à Cuba Ron, producteur des rhums Havana Club mais aussi de Santiago de Cuba (à Santiago), Arecha, Cubay, Perla del Norte, Legendario ainsi que des éditions limitées Siglo y Medio, Isla del Tesoro et Santiago de Cuba 500, sans oublier la très populaire aguardiente Sao Can.

     

     


    De grandes ambitions

    Havana ClubDans le livre de 1954, on apprend également que les bureaux de la société ainsi qu’un bar privé avaient été installés dès 1935 dans le Palacio del Conde de Casa Bayona, en pleine cœur de la vieille Havane, juste en face de la cathédrale ! Comme Bacardi avait fait le choix de la modernité en construisant à grand frais son bâtiment dans le style art déco, le plus grand de la capitale en 1930, lui aussi comprenant un bar privé,  l’industriel Arechabala avait pris le contrepied en rénovant un des plus anciens bâtiments de la ville construit en 1720. Le rhum Havana Club sert même à l’époque à l’inauguration de navires.

    C’est donc juste après la Prohibition américaine que cette marque à la graphie anglaise et non espagnole, Havana et non Habana, a vu le jour. Sa destination était, à ce titre, toute indiquée : l’immense marché américain alors en crise mais qui était en train de redécouvrir le rhum. La marque y a été enregistrée des 1935 et son étiquette portait les mentions suivantes : Havana Club Brand, Straight Cuban Rum, cette dernière rappelant l’appellation Straight Bourbon Whisky, c’est-à-dire un bourbon vieilli au minimum deux ans dans des fûts neufs carbonisés. Et les chais de la distillerie renfermaient dans les années 1950 des soleras de fûts de chêne contenant deux millions de litres de rhum reposant plusieurs années en barriques. La production de rhum a été temporairement assurée en territoire étasunien à Porto Rico durant la Seconde Guerre mondiale, probablement pour éviter les taxes douanières, à l’instar de Bacardi installé depuis 1936. JASA se vantait de la reconnaissance dans le monde entier de sa grande marque de rhum tandis que le Ron Añejo Arechabala 75 était sa marque locale. Néanmoins, la marque n’a pas été renouvelée en République Dominicaine et en Espagne en 1955, contredisant ce prétendu succès international d’alors.


     

    Nationalisation et guerre juridique

    Havana ClubLa révolution cubaine de 1959 et surtout la nationalisation de 1960 vit la famille Arechabala dépossédée de son outil de production et de sa marque dont elle n’a pas mesuré l’importance contrairement à Bacardi qui a pris soin d’exflitrer tous ses titres officiels et autres brevets. L’embargo américain entre en vigueur entre 1960 et 1962, quelques mois avant la crise des missiles. En 1966, l’Etat cubain fait enregistrer la marque dans 80 pays, incluant l’Espagne et commence à commercer avec notamment le bloc de l’est.   Aux Etats-Unis, la marque qui n’est pas exploitée reste la propriété de la famille Arechabala jusqu’en 1976 date à laquelle l’Etat Cubain via une branche commerciale la dépose. La famille Arechabala n’y avait renouvelé son droit éteint en 1973. Ramon Arechabala a d’ailleurs fait faillite en 1974 et néanmoins cherché à se rapprocher de Bacardi aux Bahamas pour discuter d’un contrat d’approvisionnement, sans suite.

    La joint-venture de 1993 entre Cuba Ron et Pernod-Ricard marque la volonté cubaine de renouer avec la reconnaissance internationale de la marque avec le succès qu’on lui sait. Pernod-Ricard cherche alors un accord avec la famille Arechabala qui refuse (une offre assez modeste il faut le dire) et se rapproche des Bacardi qui lui rachète la marque consciente de l’enjeu que représente ce nouveau concurrent. Une longue bataille juridique débute alors aux Etats-Unis. Bacardi commercialise dès 1995 un rhum produit d’abord aux Bahamas sous le nom de Havana Club™. Il existe alors deux marques, l’une aux Etats-Unis, exploitée par Bacardi, et l’autre dans le reste du monde, exploitée par Havana Club International. Le produit de Bacardi est retiré de la vente en 1997.



    Une compétition ravivée

    En 2006, Havana Club™ est réintroduit en Floride où vit une forte communauté cubaine. C’est un rhum blanc produit à Porto Rico par Bacardí selon la recette de la famille Arechabala. En 2013, pour les vingt ans de l’accord entre Cuba Ron et Pernod Ricard, une autre marque cubaine est enregistrée aux Etats-Unis, Havanista, au cas où l’embargo serait levé par la suite. Alors que le Président Obama se rend à Cuba, il suit les pas d’Hemingway. Il a probablement apprécié un mojito mais aucune source ne l’atteste : la photo qui a fait le tour des réseaux sociaux est un fake. Les Cubains savourent eux aussi ce moment mais quelques semaines après, en juin 2016, Bacardi présente le nouveau packaging de sa marque Havana Club™ et ses deux versions, Añejo Blanco et Añejo Classico, qui seront disponibles dans tous les états américains dès septembre 2016. La lutte juridico-commerciale se poursuit car, si l’embargo était levé demain, la marque cubaine pourrait prendre des parts de marchés au détriment du rhum portoricain.


    La Saga Havana en quelques dates


    havana club1878 – Création de la sucrerie-distillerie La Vizacaya à Cárdenas par José Arechabala.

    1934 – Lancement du rhum Havana Club par José Arechabala SA.

    1935 – Inauguration des bureaux et du bar privé Havana Club dans le centre historique de La Havane et dépôt de la marque à l’international.

    1955 – Non-renouvellement de la marque en Espagne et en République Dominicaine.
    1959 –
    Révolution cubaine.

    1960 – Nationalisation de José Arechabala SA et mise en place de l’embargo américain.

    1966 – La société cubaine Cubaexport enregistre la marque dans 80 pays, incluant l’Espagne.

    havana21970 – Construction de la distillerie de Santa Cruz del Norte, productrice d’Havana Club.

    1973 – La famille Arechabala ne renouvelle pas la marque Havana Club aux Etats-Unis.


    1974 –
    Ramon Arechabala fait faillite et tente de se rapprocher de Bacardi, sans suite (d’après son témoignage de 2004).

    havana31976 – Cuba enregistre la marque au US Patent and Trademark Office, le bureau américain des brevets et marques commerciales.

    1991 – Dislocation de l’URSS, grand marché export des produits cubains.

    1993 – Cuba Ron et Pernod Ricard s’associe pour le développement international de la marque.

    havana41995 – Bacardi, associé à la famille Arechabala, attaque le dépôt de marque aux Etats-Unis et commence à commercialiser un rhum produit aux Bahamas sous la marque Havana Club™.

    1996 – Havana Club attaque Bacardi en justice.

    1997 – Arrêt de la commercialisation de Havana Club™. La Justice américaine invalide le dépôt cubain. Bacardi rachète les actifs de la famille Arechabala.

    havana61998 – Vote par le Congrès américain du Bacardi Bill empêchant l’enregistrement  d’une marque « confisquée ».

    1999 – Les Lobbyistes pro Bacardi introduisent la section 211 dans la loi sur les propriétés marques. Article qui vise directement Havana et sera surnommé le Bacardi Bill.

    2000 – L’Union Européenne porte le cas devant l’Organisation Mondiale du Commerce.

    2002 – Suite à la plainte de l’UE, L’OMC condamne les Etats-Unis et leur Bacardi Bill, sans effet.

    2006 – Le renouvellement du dépôt cubain (pour 10 ans) est refusé par l’OFAC (Office de contrôle des actifs étrangers)  et Bacardi commercialise en Floride un rhum portoricain Havana Club™ sans pour autant en obtenir l’enregistrement.

    2007 – Inauguration d’une nouvelle distillerie ultramoderne Havana Club à San José de las Lajas, près de La Havane.

    2013 – Enregistrement par Havana Club de la marque Havanista aux Etats-Unis.

    2016 – Le Président Obama se rend à Cuba. Les associés franco-cubains obtiennent le renouvellement de la marque Havana Club aux Etats-Unis jusqu’en 2026. Bacardi refond le packaging de son Havana Club™ portoricain et lance deux versions sur l’ensemble du marché américain.

     

     

     

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